Thursday, November 30, 2006

L’Ordinateur Symbolique

posté par NNMS @ 11:31 AM 5 comments

« La notion de potlatch doit être réservée aux dépenses de type agonistiques qui sont faites par défi. »

Georges Bataille, La part maudite

1) Introduction théorique aux règles de l’échange symbolique

La rationalité scientifique se fonde dans les mathématiques modernes. Le schème qu’elles inaugurent : l’équation. C’est désormais sous la forme d’égalités que nous avons tendance à interpréter et à contrôler les évènements. L’économie politique en est un exemple. Formaliser les échanges marchands comme des équations dont les deux termes s’équivalent représente une rupture sans précédent avec les règles ancestrales de l’échange. La structure du temps en est bouleversée : dans ce nouveau modèle, des moments à la temporalité neutralisée s’enchaînent comme des points sur l’axe linéaire, ordonné dans le sens du progrès, du temps. L’économie suppose ainsi qu’une suite de transactions à valeur nulle isolables produit une croissance de la richesse et de la production. En supposant des échanges aux termes équivalents, on néglige que l’échange de valeurs est un processus agonistique, un défi dont l’issue est la perte ou le gain, le changement qualitatif de statut des deux parties. Il s’agit dans le potlatch des « primitifs » de monter son propre rang en le faisant perdre à l’autre ; pas d’instaurer une transaction équitable entre « agents rationnels. »

Dans La part maudite, Georges Bataille donne quelques détails sur le fonctionnement du potlatch. Dans le potlatch, l’échange est un avant tout un défi. Alors que notre système économique, tourné vers la production, voit dans l’acquisition des biens le bénéfice, le potlatch met au contraire le donateur en situation de puissance. « Non seulement le donateur a sur le donataire le pouvoir que le don lui a conféré. Mais ce dernier est tenu de rendre le pouvoir en rendant le don. […] Ainsi le don est-il le contraire de ce qu’il semblait : donner est perdre évidemment, mais la perte apparemment rapporte à celui qui la fait. » Dans le système d’échange symbolique, il s’agit donc, par la dépense somptuaire des biens matériels, d’acquérir de la gloire. Le prestige est donc fonction, non tant de la possession que de la dépense.

2) L’énergie électrique

Le concept d’énergie électrique est un dispositif discursif de contrôle des énergies matérielles. C’est en effet le propre de la pensée scientifique que de tendre à neutraliser l’agonistique dans l’irreversibilité d’un système de valeurs. Tout comme le système économique tend à la neutralisation de l’échange de biens par la valeur indifférenciée qu’est la monnaie, le système électrique tend à la domestication de la tension matérielle qu’elle norme en particules élémentaires. Suivant la méthode scientifique, la matière est décomposée en particules universalisables selon un double bind fondateur du matérialisme : la substance et le mouvement.

La matière est divisée en substances : ici, le neutron, l’électron et le proton. Mais, tout comme dans le système économique les échanges individuels sont des moments statiques à valeur nulle, il faut aussi une ligne diachronique sur laquelle inscrire ces points d’énergie. C’est le transfert de charges qui a ici cette fonction : afin de rendre compte du caractère temporel, mobile de l’énergie matérielle, l’électricité suppose que ses unités universelles sont régies par un système qui rend compte du changement : le transfert de charges.

Le transfert de charges est ainsi une loi économique du système électrique. Afin d’assurer la cohérence du modèle, il doit, en même temps qu’il inscrit dans le devenir les particules élémentaires, donner au temps une organisation de système. Il s’agit par le transfert de charges de circonscrire la tension matérielle dans un système clos à valeur nulle. Toutefois, on n’a pas dans le système électrique de dimension historique : à travers les flux de particules élémentaires, on ne prétend pas distinguer de quelconque progrès. Bien au contraire, une des lois qui régit les systèmes électriques est celle de l’entropie : diminution constante de l’énergie dans un système.

3) De l’énergie électrique à la cybernétique

L’informatique est une technique de subsomption de l’ordre du discours par des systèmes électriques. On ne peut bien sûr pas lire de discours ni de messages à même les courants électriques. Il s’agira plutôt de donner au discours une forme nouvelle : celle d’un code, une surcouche au naturalisme du modèle électrique. Par la conception du processeur, le binôme particule/transfert de charges se voit converti en un système de signes : le 0 et le 1.

« Le Temps Réel : proximité instantanée de l’événement et de son double, dans l’information[1]. » Cette proximité, c’est le feedbackinformation la distance entre la chose et le modèle. « Proximité de l’homme et de son action à distance : réglez toutes vos affaires à l’autre bout du monde, par ectoplasme interposé. Tous ces échanges immédiatement comptabilisés, répertoriés, stockés, tout comme l’écriture dans le traitement de texte, tout cela témoigne d’une compulsion interactive qui ne respecte ni le temps ni le rythme de l’échange (sans parler du plaisir) et conjugue dans la même opération l’insémination artificielle et l’éjaculation précoce. Il y a une incompatibilité profonde entre le temps réel et la règle symbolique de l’échange. Ce qui régit la sphère de la communication (interface, immédiateté, abolition du temps et de la distance) n’a aucun sens dans celle de l’échange, où la règle veut que ce qui est donné ne soit jamais immédiatement rendu. »

Cet enfermement de l’esprit du symbolique à l’intérieur du circuit électrique peut être rapproché des rituels de conjurations des démons, des pactes avec le diable. Le Faustus de Marlowe, par exemple, prend son premier contact avec les forces occultes en invoquant Mephistophilis par la formule suivante :

« Within this circle is Jehovah's name,

Forward and backward anagrammatiz'd,
Th' abbreviated names of holy saints,
Figures of every adjunct to the heavens,
And characters of signs and erring stars,
By which the spirits are enforc'd to rise:
Then fear not, Faustus, but be resolute,
And try the uttermost magic can perform.-- »

Afin de s’assurer le contrôle du démon, l’occultiste doit tracer un cercle magique (le circuit) dans lequel il circonscrit et canalise la puissance de l’esprit qu’il invoque. Et c’est bien sûr par la puissance du nom, du signe, que l’esprit se voit maîtrisé. Paradoxalement, on ne contrôle pas la puissance spirituelle en invoquant l’étendue cosmique de ses pouvoirs : ce registre-là, extensif, est celui de la métaphore. Ce qui intéresse l’occultiste est au contraire d’aller vers la sémantique la plus basique possible : du spirituel il ne garde que le nom, et du mot tout ce qu’il prend, c’est la lettre. Celle-ci est alors soumise à un processus de permutation, de computation : à l’envers, à l’endroit, en anagrammes, en sigles (« Forward and backward annagrammatiz’d »). Lacan : « Le message cybernétique est une suite de signes. […] C’est bien pourquoi ce qu’on appelle l’unité d’information, c’est-à-dire ce quelque chose à quoi se mesure l’efficacité de signes quelconques, se rapporte toujours à une unité primordiale qu’on appelle le clavier.» Faust le précise, ce sont les « characters of signs » qui contraignent les esprits. Le rituel magique comme l’ordinateur scandent les unités d’information qui composent la littéralité du règne symbolique, ils les recombinent et les permutent à souhait ; ce faisant ils s’approprient littéralement la puissance du logos en en faisant un système opératoire.

L’insuffisance du système électrique à aborder le domaine de l’esprit se voit ainsi palliée par l’automatisation de la lettre du discours : on peut dès lors parler de circuit imprimé. L’écriture traditionnelle fixait le discours dans une stase temporelle ; la lecture/écriture cybernétique va donner vie à la lettre morte, au prix de l’exclusion de l’opérateur humain.

4) La banalisation du discours par le binaire : la porte logique

Il va s’agir de dégager de quelle façon l’informatique propose une lecture littérale des discours par le traitement électrique de leur lettre. En supposant le transfert de charges comme un système d’énergie matérielle à valeur nulle, la cybernétique promet la possibilité d’un système discursif qui neutralise le défi du sens sous la forme du circuit électrique.

Comment la mise en système entraîne-t-elle la lecture littérale du symbolique ? Le texte de Lacan « Psychanalyse et cybernétique » apporte quelque clés de lecture : « Depuis toujours, l’homme a cherché à conjoindre le réel et le jeu des symboles. […] Mais enfin, les symboles restaient toujours à la place où ils étaient faits pour être. Englués dans ce réel, on pouvait croire qu’ils n’en étaient que le repérage. La nouveauté c’est qu’on leur a permis de voler de leurs propres ailes. » On retrouve ici deux points soulevés par Baudrillard : la rêverie de symboles sans référents, et le changement de statut que cela implique pour le réel.

La porte, dans l’asymétrie qu’elle pose entre l’ouvert et le fermé (une porte fermée n’a pour ainsi dire rien à voir avec une porte ouverte) est le symbole à partir duquel Lacan lit la cybernétique. En effet, c’est la porte fermée qui rend possible la conceptualisation, essentielle à la cybernétique, du circuit. « S’il y a des machines qui calculent toutes seules, additionnent, totalisent, font toutes les merveilles que l’homme avait crues jusque-là être le propre de sa pensée, c’est parce que la fée électricité, comme on dit, nous permet d’établir des circuits, des circuits qui s’ouvrent ou se ferment, qui s’interrompent ou se rétablissent, en fonction de l’existence de portes cybernétisées. » A travers le système de portes qui laissent passer le courant, la cybernétique permet « d’incarner dans le réel ce 0 et ce 1, notation de la présence et de l’absence, de l’incarner sur un rythme, une scansion fondamentale. Quelque chose est passé dans le réel. […] Par la cybernétique, le symbole s’incarne dans un appareil – avec lequel il ne se confond pas, l’appareil n’étant que son support. Et il s’y incarne d’une façon littéralement transsubjective. » L’absence de sujet dans la place vide que la cybernétique constitue comme son objet, n’existe que par la littéralité de sa lecture/écriture du règne symbolique. Les effets de trompe-l’œil du langage y sont mis à plat en processus routinizable, le symbole est en quelque sorte coincé dans sa lettre, enfermé dans le circuit.

Il y a trois portes logiques de base : NOT, OR et AND. Elles effectuent des opérations logiques à partir d’états de courant. Le courant, dans un circuit 5V, est interprété ainsi : 0V ou plus = 0, environ 5V = 1. La porte NOT est la plus simple : elle convertit une valeur binaire en son contraire : 1 devient 0, et inversement. Les deux autres portes logiques de base combinent quant à elles deux inputs de courant pour en produire un seul. Il s’agit donc pour le OR et le AND de calculer à partir de deux bits d’information électrique une valeur-résultat. Les valeurs numériques ainsi assignées aux états de courant sont dès lors computées et soumises à des opérations de calcul. Mais dès l’addition se pose un problème fondamental d’économie énergétique : tant que l’ensemble de transistors n’a pour output qu’un seul bit (porte logique de niveau 0), on ne peut pas effectuer d’addition.

1+1 ne pouura donner qu’un résultat de 0, alors que le résultat exact est 10 (la graphie binaire du nombre 2). Il est impossible d’écrire 10 – qui prend 2 bits – en codant le résultat sur un seul bit. Pour contourner ce problème, l’informatique doit rajouter un autre bit au circuit : le carry bit[2]. En tant que Carry Out, c'est-à-dire en tant que bit d’output supplémentaire, il permet d’effectuer l’opération 1+1 = 10 en codant sur deux bits le résultat d’une addition de deux bits. On dispose donc de deux bits d’output : le bit-résultat de la porte logique, et le bit de carry out qui rend possible l’écriture d’un nombre supérieur à 1.

Se pose ici un problème d’économie de l’information : pour chaque addition possible de deux bits non nuls, il faudrait alors prévoir deux bits de résultat. L’astuce fondatrice du système économique de l’information est la reconversion du carry out en carry in. En utilisant uniquement le carry out, il faudrait un bit supplémentaire pour chaque addition effectuée, afin de disposer d’assez de mémoire. En réutilisant le carry bit d’output en input, on peut avec 3 bits (les deux bits à additionner et le carry bit) faire une addition qui va jusqu’à 110 c'est-à-dire 4. A EXPLIQUER PLUS EN DETAIL.

C’est de cette astuce – réutilisation des bits surnuméraires du résultat comme bits d’input supplémentaires – que provient l’efficience du système de comptage électronique. Ce système modulaire réutilise l’excès de données produites (l’output) pour en faire son propre input. Ainsi, les données écrites sont aussi celles qui sont lues : le système de lecture/écriture provient de cette astuce technique, la modularisation, le recyclage par le système de son excès de données. Le travail du microprocesseur est principalement dévolu à la réassignation permanente des bits disponibles – la mémoire – à la lecture ou à l’écriture. Le feed-back, c’est l’autophagie des systèmes informatiques : ils s’alimentent des informations qu’ils excrètent. C’est très précisément la façon par laquelle l’on optimise la gestion de l’espace et de la matière en vue de la production d’informations.

La matière première qui fournit l’énergie électrique et les infrastructures matérielles pour la lecture et l’écriture est la RAM, mémoire vive[3], tandis que le processeur est la machine qui réassigne et fonctionnalise la mémoire. Pour faire un parallèle avec le monde économique, la RAM est la force de travail, corvéable et réassignable selon les modalités dictées par le processeur. Le processeur, lui, ne prend pas de part active dans la production d’informations : il est une instance de pouvoir qui organise l’utilisation de la mémoire vive.

Afin d’analyser et de critiquer cette architecture, nous nous proposons désormais d’envisager la construction d’un « ordinateur symbolique » (O.S.) qui traiterait les contenus discursifs et la matière électrique selon les modalités de l’échange symbolique, et non de la logique mathématique.

5) Vers la « porte symbolique »

Une première piste pour l’élaboration d’un O.S. serait donc d’interpréter l’architecture de la porte logique en termes de neutralisation du défi dans l’énergie matérielle et de son inscription dans un système de circuit électrique à input/output modulable. Le courant électrique, lorsqu’il passe à travers la porte logique, se voit assigné une valeur de 1 (5V ou plus) ou de 0 (moins de 5V).

Dans l’O.S., il s’agira donc, plutôt que de coder le courant en termes biunivoques, de faire une porte symbolique qui saisirait l’énergie et appellerait à son essor. Là où le surplus que produit l’information devient un carry bit qui peut être lu comme écrit, il s’agira de laisser ce surplus, qui est propre à l’énergie et à son échange, s’exprimer et se dépenser dans un carnaval électrique. Dans les faits : que se passe-t-il lorsqu’un courant de 5V veut se combiner à celui de 5V ? Dans la porte logique, ils sont traités par la porte comme information 1+1 et sont additionnés par une astuce de transistor lecture/écriture.

Passant par la porte symbolique, ils ne seront pas simplement additionnés car le surplus d’énergie n’est pas une transaction mathématique mais une surenchère symbolique dans la dépense d’énergie.

L’addition ne se fera pas dans la taille mesurable, quantifiable en unités équivalentes réutilisables, mais dans un « système » qui vise la surenchère de la tension symbolique de l’échange, puis sa dépense dans un rituel de sacrifice, de dépense.

Or qu’est-ce qui s’échange dans une porte logique ?

Ce qui s’échange, sous une forme mathématisée, ce sont des courants électriques. Ce qui doit donc être surenchéri dans l’addition c’est un courant contre un autre courant, et non le 1 plus un autre 1. On n’additionne pas deux 1 interchangeables : au 1 que livre le pôle A, le pôle B devrait, avec un certain délai (car l’échange symbolique n’est pas une transaction transparente et immédiate) rétorquer un 2 ou un 3. (Nécessité d’utiliser des timers, c’est un composant facile à trouver.)

Dans la cybernétique, ce qui augmente c’est le nombre de bits tandis que le courant électrique continue à fonctionner dans des circuits clos à valeur nulle qui assurent la pérennité du système. C’est un système diachronique dont l’information, l’expansion du nombre de bits assure la dimension historique (l’information) tandis que le circuit électrique en est le nécessaire substrat synchronique. Dans notre monde inversé de l’échange électrique symbolique, ce sera donc l’information qui tournera en boucle afin d’assurer une structure fixe (pas de carry bit), tandis que le courant dans une procession festive culminera dans un défi dont le temps est ordonné linéairement. Surenchère du voltage, défi à la structure même du circuit électrique.

6) Temporalité de l’O.S.

a) Synchronie et diachronie

Il faut noter que la cybernétique procède par circuits (cycles) dans une temporalité diachronique : il y a toujours du diachronique dans le synchronique et inversement[4]. Le circuit électronique inscrit la cyclicité dans une logique diachronique par le Input et Output qui sérialise et fonctionnalise le circuit électrique. Circuit électronique = circuit électrique + Input/Output.

L’O.S. devra donc fonctionner à rebours de la cybernétique comme une inscription de séquences diachroniques (l’escalade numérique/signifiante, la surenchère = mouvement temporel linéaire) dans une temporalité synchronique. Le « circuit » de l’O.S. fonctionnera diachroniquement, mais son « Input/Output » (qui n’en sera plus un) sera cyclique. Alors que l’ordinateur cybernétique utilise des cycles pour construire et accumuler des données[5], l’O.S. fera fonctionner des hiérarchisation d’énergie électrique pour assurer un cycle : mort et vie, signe et sens.

b) La mort en synchronie

Cela pose tout le problème de la lecture symbolique de la mort. Un grand effort de pensée est à fournir car nous ne concevons la mort qu’en termes diachroniques. Comme l’explique Baudrillard dans l’Echange symbolique et la mort, c’est sur l’exclusion des morts que la logique diachronique, universaliste, s’est sans doute fondée. En excluant la mort de la vie, on fait de la vie un intervalle déterminé entre naissance et mort (double bind) par l’exclusion des catégorèmes des non-nés et des déjà-morts. Ceux-ci se voient niés toute existence : les morts n’existent pas (sauf comme « imagination ») ; le temps du réel, temps réel, se voit donc pris entre un input (donné génétique, héritage, legs, diachronie) et un output (la mort ; ou y échapper en s’inscrivant durablement dans le monde réel : la postérité). Concevoir la mort comme le terme d’une vie linéaire est un des pivots de notre conception existentielle.

Ce qui est certain, vu que la mort/court-circuit doit prendre lieu dans un jeu, c’est qu’elle est un sacrifice. Donner sens à la mort, c’est toute la logique du sacrifice. Rituel exécutoire. Penser au sacrifice animal : on peut sacrifier aux Dieux/concepts autre chose que des humains. Pourquoi pas des machines ?

7) Une poésie du circuit imprimé : critique de l’interface

Le pari poétique moderne est un défi lancé à la reproductibilité de l’écriture imprimée. Afin d’élaborer une poétique du circuit imprimé, il faudra donc étudier en détail les procédés de mise en abyme qui sont un des ressorts de la poésie moderne (romantique) : récits à tiroirs, héros écrivains ou lecteurs, thème du double, image du miroir… Pour l’instant, ces thèmes ne semblent pas avoir de puissance évocatrice particulière dans l’hyperlittérature. Pourquoi ? Parce que la mise en abyme joue sur la différence entre le texte imprimé, mort, imperméable aux jeux de sens, et le lecteur, vivant, qui fournit l’interprétation. C’est ce hiatus fondateur qu’exploite la littérature romantique : créer un texte vivant à partir de la lettre morte. La mise en abyme défie la technique d’impression en y mettant en scène son double : le texte interprété, lu. Le problème ne se posait bien sûr pas dans la tradition orale. Ni dans la tradition électronique car, s’il existe toujours, le hiatus entre lecture et écriture se présente de façon toute autre. En effet, comme nous l’avons déjà vu, la propriété de l’ordinateur est d’effectuer lui-même le travail de lecture.

Il ne s’agit donc plus de mettre en scène la distance entre l’écrit mort et le lecteur vivant. Au contraire, il s’agira de mettre en relief l’irréductibilité du jeu du sens à un système électronique : excéder son mouvement, accelérer ses cycles jusqu’à la saturation pour prendre de vitesse la diachronie dans l’urgente tautologie de l’être comme défi (affirmation de l’affirmation). La cybernétique procède à un applatissement du sens par sa résorption dans la forme de la machine : c’est en surjouant ce mécanisme, en plaquant intégralement le sens dans la forme que l’on pourra subvertir ce procédé, mettre en relief par l’extrême platitude.

C O U R T – C I R C U I T

L’ordinateur symbolique veut saisir l’ordre du discours dans son rapport avec la tension matérielle. Il ne remet pas en cause la possibilité d’effets de discours dans la matière elle-même ; il s’agit plutôt de sortir le discours objectif, la lecture/écriture, de la systématique cybernétique. Dans l’ère ou le médium est le message, c’est en agissant sur le médium lui-même que la subversion peut opérer. Rendre à la matière son ironie passe par une restructuration de la forme de sa lecture/écriture : une machine à interpréter.

Le net.art et le media art tendent parfois vers cette direction. Mais il est à déplorer que ces œuvres manquent souvent d’un travail réflexif sur l’organisation cybernétique qui les sous-tend. Il y a dans le net.art trop de jeu sur l’interface (à développer).

Le travail sur l’O.S. va donc débuter par la conception de systèmes électroniques de traitement du discours sans formalisation cybernétique, sans computation du discours sur le simple mode de l’information. Les circuits ouverts de l’O.S. laisseront la charge électrique se livrer à la surenchère dans un jeu de défi dont l’issue sera, de façon cyclique mais non programmatique (car soumise à la surenchère vers sa propre mort) : le court-circuit.

8) Précédents artistiques[6]

Les peintures de Peter Halley représentent schématiquement des formes de circuit. Elles mettent ainsi en relief la résorption par l’informatique du fond dans la forme : sous l’apparence de toiles abstraites il s’agit de représentations visuelles du fonctionnement concret des ordinateurs. Les formes trop simples qui s’y exposent donnent à penser l’absence du sens dans la forme que prennent les symboles traités par l’ordinateur. La peinture figurative représentait ses objets sous une forme symbolique par la reproduction de leur image. A l’ère informatique, la peinture de Halley ne veut plus rien montrer d’autre que l’enfermement des symboles dans le circuit électrique ; ce qui re-présente le mieux l’anéantissement de leur enjeu symbolique est la présentation du modèle abstrait auquel on les réduit. Elle illustre l’ironie dérisoire de la tentative de réduire le sens au circuit imprimé, son incapacité à traiter le jeu du fond et de la forme.

Peter Halley, Two cells with circulating conduit, 1985

En 1960, Jean Tinguely réalise avec l’ingénieur Billy Klüver « Homage To New York ». L’œuvre se démarque radicalement des autres œuvres de Klüver avec des artistes. Lorsqu’il travaillait avec John Cage ou Merce Cunningham, il s’agissait toujours d’utiliser des nouvelles technologies pour produire une œuvre : les outils de production artistique étaient nouveaux, la démarche traditionnelle. « Homage To New York » a quant à elle été conçue comme une machine dont la fonction est sa propre démolition. Voici ce qu’en raconte Klüver dans son texte The Garden Party :

« The Addressograph machine began to work. The yellow smoke signal was lighted and the arms banged on the empty oil cans. The bell had never been put into operation. it turned out to be a gong that strikes only once. The whole machine was somewhat sick after the bad handling in transport, and it fell over after only a few minutes.

In the twentieth minute, the resistors in the first structure were connected. After a few minutes the metal had melted, and the whole structure sagged, but it never collapsed completely and fell over. The reason was that the crossbars that held up the wheels were strong enough to keep the structure together. But the smoke flashes were lighted by the heat of the resistors.

In the twenty-third minute, the little carriage shot out from under the piano with terrific speed. Its Klaxon was working fine, and it ended up in a ladder on which the Paris-Match correspondent was standing. He turned it around, and it continued into the NBC sound equipment. Smoke and flames were coming out of its end.

The fire in the piano was rapidly spreading. At one point, Jean had tried to damp it with an extinguisher. Now the flames had eaten their way through the piano, and Jean suddenly became afraid that the extinguisher on the back of the piano might explode from the heat. He told me to get the fireman to put out the fire. »

Ici, la mise en scène de l’auto-destruction surjoue la machinité de la machine. Dans cet automate à la finalité subvertie, le caractère somptuaire de la machine est mis en relief dans sa propre forme. La machine ne procède plus à un travail productif (d’objets, d’information, de puissance…) : sa finalité se consume dans son auto-production comme forme esthétique. La cybernétique vise à épuiser le sens dans la littéralité du signe, le symbolique dans l’outil qui le compute. Pour être considéré par la machine, le processus de destruction, de dépense, doit donc lui aussi être appliqué au pied de la lettre. La machine de Tinguely met en lumière l’inscription de la machine dans le régime de l’obligation symbolique. La dépense qui constitue la contre-partie de la production ne peut se résorber dans l’économie cybernétique des signes. Une fois transposée sur le plan formel, la destruction, la mort posent toujours à la machine un problème de fond puisqu’elles la détruisent.

Tinguely comme Halley procèdent donc à une mise en relief du fonctionnalisme technique dans sa propre forme. Ils réinscrivent ainsi le processus technique dans une représentation symbolique : la mort de l’automate fait partie du sens de son processus au lieu d’être conjurée dans la tentative d’établir un système pérenne.

D’après Klüver, la performance de Tinguely au contraire de la nôtre n’a rien d’une construction philosophique. Il s’agit en effet avec l’O.S. de déjouer de façon très précise la construction des circuits électroniques de traitement de l’information. Contrairement à la mécanique, l’informatique procède à une réduction des discours à une platitude littérale dont l’indifférence à l’enjeu symbolique fait écran à la pensée critique. Sa subversion se laisse mieux opérer par un travail d’excès de sa banalité, de mise en scène de l’enjeu symbolique qu’elle tente d’occulter par l’interface.

L’O.S. critiquera le traitement de la destruction qui est à l’œuvre dans l’affrontement que peut représenter le jeu vidéo. Comment ? En rendant trop simplement superficiel à la machine le processus de destruction symbolique auquel elle se livre.

9) L’O.S. et le jeu

« Dans les divers jeux de compétition, la perte se produit, en général, dans des conditions complexes. Des sommes d’argent considérables sont dépensées pour l’entretien des locaux, des animaux, des engins ou des hommes. L’énergie est prodiguée autant que possible de façon à provoquer un sentiment de stupéfaction, en tout cas avec une intensité infiniment plus grande que dans les entreprises de production. Le danger de mort n’est pas évité et constitue au contraire l’objet d’une forte attraction inconsciente »

Georges Bataille, La part maudite

L’utilisation ludique semble ainsi la plus évidente pour l’O.S., puisque le jeu est une partie intégrante des rituels festifs des sociétés synchroniques, mais aussi parce qu’il met explicitement en scène la violence, sous la forme ridicule des affrontements à valeurs nulles entre joueurs indifférenciés. Notre société semble ne vouloir laisser fonctionner les modes de pensée symboliques à ciel ouvert que dans les cadres artistiques et ludiques. De plus, la dimension de défi est peut-être ce qui fait défaut à la narration cybernétique. En effet, dans le débat qui oppose dans ce champ ludistes et narrativistes, il semble que l’avantage doive aller aux ludistes tant que les jeux seront conçus comme des questions réponses. Les jeux les plus orientés sur la narration (les point’n’click par exemple) laissent cette impression que l’on appelle, peu fortuitement, la linéarité. Afin de rendre au jeu vidéo le caractère sublime de l’art – si une telle chose est possible, le sublime de Kant ne correspondrait-il qu’à un moment très précis de l’histoire de l’art et des représentations ? Afin de lui rendre ce caractère il nous faut d’abord réflechir à ce qui lui fait défaut.

Il s’agit de jouer avec la machine elle-même. De rendre aux « jeux vidéo » un enjeu symbolique, un défi, en surjouant le mécanisme de mise à plat de la pensée cybernétique. La mise en abyme jouait sur la mise en scène dans le livre de la distanciation, propre au texte imprimé, entre le lecteur et l’écrivain. A l’inverse, l’informatique met à plat la relation lecture/écriture, la banalise sous l’apparence inoffensive, purgée de la violence symbolique, d’une interface. C’est pourquoi le processus de création critique adoptera, pour l’informatique, la forme d’une mise en relief. Au lieu de se réfléchir dans un reflet toujours plus profond (comme l’image des miroirs opposés qui est toujours plus petite et lointaine), la mise en relief met en vertige son objet en l’inscrivant dans une structure toujours plus superficielle, plus proche de la forme.

"Organisme" par Natacha Roussel.

"Organisme" est un environnement interactif physique ludique avec lequel les spectateurs sont invités à jouer : un réseau sophistiqué de senseurs réveille l'entité qui ne survit que s'il reçoit une certaine quantité d'énergie fournie par l'activité des utilisateurs... Les utilisateurs sont responsables de la transformation qu'ils impriment au milieu ambiant de l'installation et doivent adapter leur attitude à cette réalité s'ils veulent préserver la vie qu'il abrite...

« Organisme » nous intéresse car il s’agit d’utiliser un environnement cybernétique en restituant les vrais enjeux du feedback (système d’échanges d’information) : le feedback peut se voir transmué par le jeu car au lieu de viser la stabilité il introduit une dimension tragique. Un destin (forme diachronique de la temporalité s’il en est) est tracé par l’algorithme : son issue inévitable est la mort du système qui lui est soumis. En rendant l’utilisateur responsable de l’exécution du destin de l’Organisme, l’installation de Roussel rend au jeu sa fonction rituelle, au lieu d’en faire un espace-temps irréel. Elle inscrit le participant dans un réseau d’obligations et de contre-obligations : réinscription par la mise en scène et la scénarisation du feedback dans un système d’échange symbolique, sur le mode du tragique.

En nous servant de la porte symbolique pour l’élaboration d’un jeu vidéo, nous en subvertirions radicalement le fonctionnement. Il ne s’agirait plus, via une interface, d’agir sur des processus de feedback, mais de jouer avec la machine elle-même. La littéralité à laquelle les contenus symboliques (violence, meurtre, intrigues…) sont soumis dans les jeux serait surjouée par leur lecture à même la matérialité de la machine. En augmentant la tension dramatique, la porte symbolique augmenterait aussi la tension électrique. Le « game over » prendrait alors tout son enjeu en étant celui de la machine elle-même : court-circuit.

Ainsi, il pourrait être possible de mettre en place un système d’affichage qui permet la représentation graphique. On peut fabriquer un écran basse résolution à base de diodes. L’intérêt est que les diodes peuvent être facilement brûlées, explosées. Ainsi, lorsque les deux joueurs s’affrontent (par exemple sur deux écrans différents), l’issue de leur affrontement pourrait être de faire exploser les diodes, donc d’endommager l’affichage dans son substrat matériel. On pourrait aussi associer au procédé des petites charges d’explosifs, mais cela semble aller contre l’unité conceptuelle du projet.

Les diodes ont la propriété de fournir un courant reverse. Quand ce courant est trop important, la diode est dépassée et le laisse passer (par exemple à 50V). Ainsi, en utilisant les diodes, on pourrait fournir une sorte de réserve, de seuil critique d’énergie au-delà duquel le courant les fait exploser. Pour faire exploser les LEDs, il faudrait donc que l’écran soit en dérivation, avec des seuils d’énergie pour chaque LED, qui pourraient selon les données du jeu devenir trop grand. En effet, les LEDs explosent lorsqu’on leur fournit trop de courant. Il est possible de les faire vraiment exploser et de répandre le verre en explosions.

Le principe agonistique du défi, quant à lui, pourrait être un des moteurs de la scénarisation et du ressort ludique du jeu vidéo symbolique. Je n’ai pas encore d’idées très précises à ce sujet, toutefois il me semble que le fait de devoir dépenser et donner ce que l’on a produit par ses actions afin d’obliger l’autre joueur pourrait servir de principe à un jeu, et stimuler l’intérêt du joueur.


[1] Baudrilllard, Le crime parfait

[3]

On peut noter que la mémoire informatique est soit morte soit vive. Lorsqu’elle est dite vive, elle est paradoxalement vouée à l’oubli immédiat. Cet oubli est un attribut consubstantiel à sa vivacité supposée : il provient de la réassignation constante des unités de mémoire par le processeur.

[4] cf. Agamben, Enfance et Histoire

[5] c’est l’astuce modulaire : les cycles sont réutilisés à souhait et hiérarchisés dans l’organisation des data

[6] Machine auto-destructrice : http://cameras.uqac.ca/pdf/LaChance/T/Tinguely.pdf

Cf. Billy Klüver – The Garden Party, où il détaille sa collaboration avec Tinguely.

Cf : Dennis Oppenheim: Realized/Unrealized ???


Sunday, November 26, 2006

Kingdom Come, la meilleure compile de faces B de l'année

posté par Cyril Vettorato @ 11:13 AM 1 comments

C’était la semaine dernière chez un camarade à moi, on discutait de nos goûts musicaux respectifs en attendant une pizza : le type s’étend longuement sur ses jazzmen préférés, me parle de Thelonious Monk et de Miles Davis tandis que je browse son i-tunes avec impudeur. Comme un gros bâtard sans conscience, je clique sur la section « Les 25 plus écoutées », qui désigne mécaniquement nos habitudes d’écoute sans complaisance aucune, et je ne peux m’empêcher d’être mort de rire en constatant que dans les 5 premiers se trouvent une chanson de Europe et deux de Bon Jovi. Tout ça pour dire qu’il y a deux façon de parler de musique, et que généralement la posture qu’on adopte pour écrire une chronique s’approche plus de la première que de la seconde. Être super pointu et catégorique est non seulement plus utile pour aiguiller le lecteur, mais cela permet en plus de balancer de bonnes vieilles punchlines des familles. Pour en venir plus directement au sujet de ce post, je voudrais bien pouvoir haïr et massacrer sans nuance Kingdom Come, le nouvel album de Jay-Z, mais je n’y arrive pas. En plus, après la lecture d’innombrables articles sur le web qui révolutionnent l’usage de la vanne pour décourager quiconque les lirait de dépenser leur argent de poche dans l’album, je me dis que je ne pourrai pas rivaliser : Byron Crawford m’a tuer avec sa chronique où il décrit notamment le beat de Beach Chair en ces mots : « It's Asian hand job music meets "In the Air Tonight"-era Phil Collins. ». OK, je rends les armes et je renonce à jouer sur ce terrain. Ma chronique jouera le jeu de l’auditeur complaisant et nuancé. Mais ça ne veut pas dire que cet album soit bon, très loin de là.

Pour ceux qui auraient passé les dernières années en Océtie du Nord ou dans le Territoire de Belfort, je rappelle que Jay-Z a officiellement pris sa retraite il y a 3 ans après un Black Album imparfait mais truffé de moments « instant classic ». Évidemment, c’était un coup commercial doublement habile, car il permettait de créer un énorme buzz sur l’album-chant du cygne, tout en préparant le futur buzz de l’album-phénix. Le problème, c’est que le phénix est resté à l’état de fond de cendrier tiédasse, la faute à des rumeurs de ratage très vite propagées par internet que le premier single Show me what you got n’a pas contribué à modérer. C’est peut-être pour cela que je n’arrive pas à haïr cet album : je l’ai acheté en sachant qu’il serait décevant, qu’il n’y avait pas grand chose à en attendre. Sur ce plan là au moins je n’ai pas été déçu : Kingdom Come est tout sauf un album de la maturité, ce n’est même pas vraiment un album. Plutôt une sorte de compilation de faces B ni totalement désagréables ni vraiment stimulantes. Son écoute est un peu un grand huit plan-plan à deux mètres du sol où l’on passe de « oh boh ce beat n’est pas siiiii mal » à « attends, c’est vraiment Jay-Z qui rappe là ? ». Et ne parlons même pas de la pochette - le boîtier est rouge transparent, du coup lorsqu’on en extirpe le livret, Jay-Z a des super lunettes de soleil rouge fluo, youpi : anciens lecteurs de Pif Gadget, vous avez trouvé votre bonheur. En plus à l’intérieur il y a une petite trappe secrète où repose un cd bonus qui ne sert à rien avec des remixes live de 3 vieilles chansons de quand Jigga était encore best rapper alive pour ses qualités propres, et non en raison de la nullité de tous ses concurrents.


Le Prélude qui ouvre l’album prépare bien l’auditeur à la traversée qui l’attend, au bras d’un rappeur fatigué de 36 ans qui n’a plus rien à ajouter à ce qu’il a déjà dit mais qui peut toujours mettre quelques uns de ses millions pour acheter des beats à ses fournisseurs habituels, rameuter des featurings prestigieux et lâcher des raps corrects. Sur un joli sample de soul-Stax des années 70 de Mel and Tim, B-Money produit un beat agréable, qui n’aurait pas dépareillé sur The Blueprint : malheureusement, Jay-Z n’exploite pas son potentiel cinématographique et imaginaire en balançant un couplet storytelling dont il a(vait) le secret, mais se contente de répéter paresseusement la même histoire que toujours, sans grande trouvaille. Le rap jeu est vicié, heureusement Jay est vrai, il revient, il a une nouvelle casquette, et des rimes de folie : « Sure he's rich now cause he saw the shit, all this shit / That's why they call him Hov', cause he came before all this shit ». Il fallait la trouver. Les morceaux suivants sont trois prods de Just Blaze, plutôt pas mal, à l’échelle de cet album. Oh My God est un morceau typique de boasting, sur un beat tout fou qui sample le rock sudiste des Allman Brothers. Enfin, boasting typique, j’ai parlé un peu vite : Hova laisse entrevoir un peu de sa nouvelle persona, qui reviendra souvent sur le disque – celle de millionnaire ami de gens puissants et célèbre qui a pompé un peu de leur bonne conscience hollywoodienne. Exemple : “Lunch with Mandela, dinner with Cavalli / Still got time to give water to everybody”. Et je ne parle même pas de la chanson Hollywood, où Jay dit carrément Going back to BrooklynTo escape the madness / When your friends isChris and Gwyneth”. Oh-My-God.

Passons sur Kingdom Come, dont beaucoup de journalistes-bloggeurs ont souligné à juste titre la production intelligente de Just à partir de classique de Rick James « Super Freak » - réussir à faire un son frais à partir d’un matériau ultra-réinvesti, la classe, dommage que Mr Beyoncé n’ait pas produit un morceau de bravoure lyrical à la hauteur du défi. Tout ça reste plutôt agréable néanmoins, tout comme le single Show me what you got sur lequel je ne m’étendrai pas. Le premier Dr Dre, Lost ones, est par contre à la limite de l' agaçant, avec son refrain à la Norah Jones chantonné par Chrisette Michelle (placement de produit Def Jam oblige). En plus le beat très lent n’est pas investi par Jay comme il avait su le faire sur Hard Knock Life, et au lieu de transcender sa mollesse par un flow stimulant et un peu dynamique, il la fait passer au stade du soporifique. L’impression de se trouver sur une compile de faces B commence à se faire sentir : de grands noms, des beats corrects mais jamais enthousiasmants, des flows « mieux que du Jim Jones mais bon… » - si Jay est un super héro comme il le clame dans les lyrics de la chanson éponyme, il ressemble plus aux Watchmen de Alan Moore qu’à Superman ou Flash Gordon comme il le proclame. Ceci dit, je retire tout ce que j’ai dit si un clip est réalisé et que Carter y apparaît en collants (no homo) ou déguisé en Flash Gordon façon Sam Jones.

Le morceau de Kanye West Do you wanna ride, pour sa part, est plutôt soulful et le refrain de John Legend pas désagréable, mais on en reparlera quand il sera sorti en single et bombardé 37 fois par jour sur MTV. 30 something, I made it et Anything font par contre basculer un peu plus le disque dans le quelconque, malgré les noms ronflants de leurs producteurs – respectivement, Dr Dre DJ Khalil et Pharrell. La première raconte comment être vieux c’est super cool, surtout quand on a plein d’argent et une meuf trop bonne. La phrase-gimmick sur laquelle est construit le morceau : « 30 is the new 20 ». Sans commentaire… Le beat une fois de plus est correct, mais il en ressort une impression d’écouter la version hip hop du générique de Sous le Soleil, ce qui peut être un plaisir pervers comme les autres, après tout. I made it est un autre joli beat soul recouvert de couplets interchangeables dans lesquels Jay-Z rappelle à sa Maman qu’il est super riche, au cas où elle ne l’aurait pas encore remarqué. Ici, l’impression d’écouter des morceaux bonus du Black Album est à son comble, et le beat des Neptunes avec Usher en featuring y contribue : on espère brièvement un retour du Jay God-MC lors de passages un peu rapides et bien foutus à la Reasonable Doubt, mais très vite l’excitation retombe - à le première écoute je me demandais par moments si l’on était dans un couplet rap ou si Jay-Z disait juste des trucs sur le rythme façon spoken words de remplissage entre les couplets.

Après un probable futur tube beyoncesque – Hollywood – arrive l’un des pires morceaux du disque du point de vue de la production, Trouble, made in D.R.E., beat ponctué d’un gimmick sonore strident insupportable. Et bien-sûr, c’est le moment que choisit le MC pour se réveiller et pondre des couplets de fort belle tenue. Comme on dit dans le département français nommé plus haut, « Quand ça veut pas, ça veut pas. »... Dig a hole est le morceau de diss probablement destiné à Cam’ron, sur un beat de Swizz Beatz franchement laid pour le coup. Puis vient Minority Report, un rap sur les victimes afro-américaines de la Nouvelle-Orléans où Jay-Z traite de sa position ambigüe par rapport aux problèmes sociaux de sa communauté avec une certaine franchise, ce qui fait de ce texte l’un des rares à ne pas rabâcher des thèmes déjà surexploités dans ses opus précédents, même si cette nouvelle persona risque d’agacer beaucoup d’auditeurs. On dirait presque du rap français... Le disque s’achève sur un morceau qui ravira les fans de Coldplay à défaut d’inspirer grand-chose aux fans de Jay-Z, puisqu’il est le résultat d’une collaboration avec Chris Martin. Pour une blague sur ce morceau, voir plus haut.

En un mot comme en cent, il manque à cet album des moments de bravoure, des classiques, des hymnes pour qu’il décolle. À aucun moment la sauce ne prend vraiment, et on reste toujours dans une impression mitigée d’écouter la juxtaposition de faces B d’un artiste talentueux. Le disque ne dégage pas de cohérence, ni dans ses thèmes, ni dans son orientation sonore, mais de nombreux titres sont d’une écoute agréable même s’il manque toujours ce petit plus qui en ferait de vrais bons morceaux. J’ai finalement reproduit ici un peu de la tiédassitude de cet album par celle de ma chronique, et je n’en suis pas mécontent : si comme moi vous aimez bien Jay-Z et que vous êtes assez maso pour dépenser 20 dollars dans "du Jay-Z en moins bien", si vous auriez dépensé cette somme pour une compile d'inédits, achetez ce disque : vous aurez au moins la satisfaction d’avoir contribué à votre échelle à l’achat d’une des bouteilles de champagne que le couple noir le plus glamour du globe boira sensuellement dans son jacuzzi. Dans tous les autres cas, gardez votre argent et contentez-vous de prendre un air décidé en disant à vos amis « Le Nouveau Jay-Z ? Ah ah mais c’est une grosse daube !» Quelque part vous aurez tort, mais parfois il vaut mieux se tromper franchement que de faire du moyen.

Tuesday, November 21, 2006

Baby blue

posté par Cyril Vettorato @ 8:45 AM 0 comments

Halcali - Baby Blue

Saturday, November 18, 2006

l'idée dégueulasse du jour

posté par NNMS @ 7:32 AM 0 comments


Comment fabriquer un rat empaillé avec des LEDs à la place des yeux.


Non, vraiment, je sais pas quoi dire de plus, certaines personnes sont plus tordues que moi...

Friday, November 17, 2006

style of the week end

posté par badpetersal @ 11:04 AM 1 comments


shut up

posté par Cyril Vettorato @ 5:54 AM 1 comments




La délicate Fergie des BEP a trouvé un super moyen de faire taire les mauvaises langues. La preuve dans le dernier numéro de Vibe : “Vous avez le droit de ne pas aimer mon style de voix, mais vous ne pouvez pas dire que je ne sais pas chanter. Vous ne pouvez pas m'enlever ça, car chanter est un don de Dieu, donc quand des gens disent que je ne sais pas chanter, c'est un peu comme s'ils insultaient Dieu."



Wednesday, November 15, 2006

Le lien du jour

posté par NNMS @ 2:28 AM 0 comments

Tuesday, November 14, 2006

pop culture

posté par Cyril Vettorato @ 10:41 AM 0 comments


"NO BROKEBACK"

A term used after one said something that sounded very gay.

ex:
Person: "Son, i could fit like five of these golf balls in my mouth...No Brokeback"


(Urban Dictionary)

Monday, November 13, 2006

Gossip

posté par NNMS @ 5:30 AM 0 comments


La fille de Bob Geldof a 17 ans, elle mesure 1m83, elle est bisexuelle et son prénom est Peaches. Pour embêter un peu plus son père bien-pensant, elle a pendant un moment changé son nom sur Myspace en "Bono Must Die" en référence au groupe anglais qui porte le même nom. Apparemment, son père, tout tolérant qu'il soit, l'a forcée à retirer la référence de sa page.



Et une reprise du même groupe, en écoute :


Friday, November 10, 2006

Bison Scapula Hoes

posté par Cyril Vettorato @ 3:31 PM 0 comments

Je pense que "Bison Scapula Hoes" serait un merveilleux nom de crew hip hop (ou, au choix, une punchline de ghostface), je le vends donc au plus offrant (chèques à l'ordre de ton garçon new york pizza), tout en ajoutant que c'est l'une des merveilleuses SIP (Statistically Improbable Phrases) du système de recherche d'Amazon.com. Le principe est simple : les bouquins du site sont scannés par un être cybernétique surpuissant comparable au Smokey de LOST, et quand une association de mots très rare revient dans un ouvrage en particulier, le monstre la retient, facilitant la tâche du consommateur. Avis aux Copycat : si vous cherchez un nom de crew décalé pour vous et vos copains, inutile de pomper honteusement le nom d'un grand Ancien - voir Clitspit/Fluokids avec RadioClit -, contentez-vous d'utiliser les ressources poétiques de la statistique.

"my skype pictures"

posté par badpetersal @ 11:17 AM 0 comments

quand skype s'installe, il offre direct un fichier-incruste dans "mes documents", un pack intitulé My skype pictures : un large panel de perso/smiley/funny/styly/skypy pour converser beaucoup + fun ( en plus du téléphone) ou + ... je sais pas ; je comprends pas tout. voici quand même ma séléction :











pratique

posté par NNMS @ 8:17 AM 0 comments



Pour la petite histoire, le "shower time" à la fin de la pub fait référence à Jacob Zuma, homme politique sud-africain qui, accusé de viol, avait dit s'être douché après le sexe pour ne pas attraper le sida.
link : Pronto condoms

Privauté

posté par NNMS @ 5:22 AM 0 comments

Les activistes allemands de Foebud E.V. organisent chaque année les Big Brother Awards, luttent contre l'invasion de l'informatique dans notre vie au nom du respect de la vie privée.

Ils ont aussi un shop sur leur site. Leur nouveau produit : le Privacy Dongle. C'est une clé USB d'un genre un peu spécial. Utilisable partout, au cybercafé, chez soi etc. elle lance automatiquement le programme opensource Torpark, qui crypte l'information et la fait passer par des serveurs anonymes. Ainsi, on peut surfer sans danger...

Il faut noter que le programme est fait pour être installé sur n'importe quelle clé USB. Ce n'est pas forcément la peine de raquer 20 euros de plus pour l'acheter chez Foebud, mais bon, on peut les soutenir aussi ils sont plutôt bien comme gens (enfin je crois, leur site reste entièrement en allemand).

La question se pose quand même : est-ce qu'on a raison de craindre la perte d'anonymat quand on surfe depuis un cybercafé ? Personellement, à chaque fois que je mets les pieds dans un endroit du genre je pense à la facilité avec laquelle les gérants pourraient mettre en place des systèmes pour retenir ne serait-ce que les mots de passe de tous les gens qui lisent leur mail chez eux. L'idée est tellement basique que ça m'étonnerait qu'aucun cybercafé ne la pratique...

Thursday, November 09, 2006

Confessions nocturnes

posté par NNMS @ 6:08 PM 5 comments

Je suppose que tout le monde connaît déjà le dernier clip de Diam's featuring Vitaa au titre tout droit sorti de chez Endemol : Confessions Nocturnes. Sinon, voilà le lien.



Le clip est une sorte d'adaptation française du mythique Trapped In The Closet de R. Kelly : une opérette rap/r'n'b dont le clip illustre sans finesse les scènes de vaudeville. Sauf qu'à l'univers baroque et saturé de couleurs de Kelly Diam's substitue des ambiances de vengeance en demi-teintes tout droit pompées du clip de Cry Me A River (thanks Kirsten !) et du Stan d'Eminem.
Pitch rapide de l'histoire : Vitaa la copine de Diam's s'aperçoit que son gars la trompe ; elle et Diam's le coincent alors dans sa chambre d'hôtel avec sa "chienne" et lui demandent s'il a "des problèmes avec son slip ou quoi" ; finalement elles se barrent et Diam's s'aperçoit qu'elle aussi est cocue.

Ce qui est intéressant c'est que tous les ados français semblent s'être lancés le défi de refaire à leur façon la saynète, sur youtube bien sûr. Il y a au bas mot des dizaines de versions, qui vont du lip-sync sans conviction sur webcam (la fille de gauche d'ici est saisissante de mollesse) au sketch très scolaire d'étudiante en arts du spectacle genre improvisation théâtrale. La meilleure que j'ai trouvé se déroule dans de belles villa du Sud. J'apprécie particulièrement le remake de la scène du pétage de BMW et la tête de l'amant.



Ce type-là a un certain talent pour le déguisement, il se travestit en Diam's pour faire les paroles de Vitaa ?


Et enfin, la réponse des rappeurs Croma et Sultan, qui refont le même scénario en swappant les genres. C'est moins bien fait que Diam's et trop bien fait pour youtube, mais il y a quand même quelques bonnes punchlines comme "vazy je vais me changer, vazy je m'assois" ou "en plus tu jures que t'as rien fait t'es vraiment une connasse/tu fous l'seum comment j'ai envie de te niquer ta race".

Wednesday, November 08, 2006

nique fluokids

posté par NNMS @ 8:22 AM 2 comments






Tuesday, November 07, 2006

Trouvé sur Wranglerstrasse

posté par NNMS @ 9:51 AM 1 comments



Ce type s'est fait voler son ordinateur et ses disques de backup, remplis de données personnelles, à son domicile ; il propose 5000 euros au voleur pour récupérer le matériel cambriolé.

CONTACT : Tél (+0049)173 981 70 69 Mail : jimjimson@gmx.net

Monday, November 06, 2006

La Chute

posté par Cyril Vettorato @ 3:31 PM 0 comments




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