Monday, December 25, 2006
ouais ouais
Jay-Z a récemment donné à Vice Mag qui lui demandait son livre préféré cette troublante réponse : "Je lis beaucoup de livres à propos de la vie. Ca m'aide à donner une forme juste à ce dont je parle. Je pense que la vérité prévaut sur n'importe quel manuel de business."
Matérialiste, peu prompt aux effusions sentimentales ou à l'ésotérisme façon Wu-Tang, Jigga peut pourtant prétendre selon la critique au statut de plus grand poète du hip-hop par la grâce de l'intelligence et de la complexité des dispositifs qui mettent en jeu le sens dans ses textes. Quand il applique l'impératif n°1 du rap : "Keep It Real", il ne fait que par le détour d'illusions, de narrations et de métaphores ciselées avec la précision d'un horloger suisse. Un très bon exemple de son talent d'écrivain et de la conscience qu'il a de ce fait se trouve dans l'absolument introuvable 12" appelé avec ironie Ignorant Shit.
They're all actors, lookin' at themselves in the mirror backwards
Can't even face themself, don't fear no rappers
They're all, weirdos, DeNiros in practice
So, don't believe everything your earlobe captures
It's mostly backwards, unless it happens to be as accurate as me
And everything said in song, you happen to see
Then, actually, believe half of what you see
None of what you hear, even if it's spat by me
And with that said, I will kill niggaz dead
Cut niggaz short, give you wheels for legs
I'm a K-I-DOUBLE-L-E-R, see y'all in Hell
Il y met en scène le rap game via l'oeil du miroir, à travers lequel appert la vérité, forcément paradoxale, du message du hip-hop. C'est"Backwards", inversés, que les MCs se présentent à leur public. S'ils sont artistes c'est bien parce qu'ils jouent des illusions pour rendre tangible ou au moins audible le monde de symboles dans lequel les Américains évoluent sans s'en rendre compte. A travers le miroir inversé de leurs personnalités "larger-than-life", qui en même temps leur voile la face ("Can't even face themselves"), les MCs dévoilent une certaine réalité. C'est après ce processus de réversion ("And with that said") qu'émerge, dans la seconde partie du couplet, la personnalité excessive du thug menaçant, malgré l'injonction préventive de ne pas le prendre à la lettre. Car tout conscient de la mesure avec laquelle il faut saisir la personnalité qu'il présente, il ne peut faire l'économie de sa performance : la force de Jay-Z dans ce texte est de pouvoir articuler le discours critique sur le rap avec la personnalité cocky et dépourvue de doute du thug.
Mais qui est cet étrange bonhomme moustachu en haut du post ? Eh bien c'est le poète allemand Rainer Maria Rilke. Car, reconnaissant lui-même son statut de grand artiste, Jay s'est comparé dans What They Gonna Do à Rainer, qui est pourtant assez loin de Jay vu que ça doit être l'homme le plus sensible qui ait jamais vécu. Une fois de plus, une erreur de transcription fait que sur le net Rilke est américanisé en "Rilkey", mais ce que Jay dit est, et cette punchline n'est pas très connue :
All sorts of flow, Rembrandt, RilkeVoilà, et vu les différences on peut se demander, et c'est ce que je fais depuis un certain temps, pourquoi Jay se compare en particulier à Rilke et pas un autre, on l'aurait plus vu en François Villon après tout. Est-ce pour faire plaisir aux quelques thésards fan de hip-hop que cela intéresse ? J'en doute franchement. Et finalement, l'objet de ce post n'est pas tant de montrer, à l'instar de Shusterman, que le hip-hop est bien une forme d'art, ce qui n'a à mon sens aucun intérêt. C'est surtout de faire part d'une grande avancée dans mes recherches sur cette filiation imaginaire. A défaut d'être comparables dans leur démarche artistique, Jay et Rainer partagent au moins une chose : ils sont tous les deux nés un 4 décembre.
I am art with the flow
Et ça me paraît être l'hypothèse la plus plausible pour expliquer ce rapprochement. Merci de votre attention.
Triste Noel
Thursday, December 21, 2006
la phrase du jour - entendu à la TV
c est pas moi qui le dit 2
3615TTC est mauvais:
"Bon bah ca reste plat aprés plusieurs écoutes.
Teki m'inssuporte vraiment.
Les prod sont trés trés vieux jeux et loin de "batard sensible".
Je sais pas si para et tacteel etaient en manque d'inspiration mais cest trés moche.
Il n'y a aucun changment de rythme tout au long de l'album, aucun morceau pour relever le niveau... "
3615TTC est super mauvais:
"ça sent vraiment le réchauffé et les textes pourris. "
3615TTC est super super mauvais:
"Radio rip ou pas. Putain c'est vraiment à chier."
3615TTC est super super super mauvais:
"ils font encore et toujours de la merde , pour bobos ... ca fait des sujets pour canal +"
3615TTC est super super super super mauvais:
"c'est vraiment nul, rien d'autre à dire"
3615TTC est super super super super mauvais:
"je supporte pas les rappeurs qui se pretendent “rock n roll” et qui ont decouvert le rock y a 2 mois avec un groupe de merde comme bloc party."
3615TTC est super super super super super super mauvais:
" ces mecs sont vraiment des gros cons".
MAUVAIS EXEMPLES:
_ travailler, 3615 TTC, 2006
_ pas la peine d'appeler je ne réponds pas au téléphone, 3615 TTC, 2006
Wednesday, December 20, 2006
c'est pas moi qui le dit 1
Tuesday, December 19, 2006
Nappy Roots
Le Terme « Nappy » désigne les jeunes originaires de paris-ouest, ou plus généralement l'ensemble du Cocon des Enfants de la grande bourgeoisie de la Haute Société.
Le terme viendrait de Neuilly-Auteuil-Pereire-PassY ou d'une contraction d'Happy et Unhappy. A l'origine de cette appellation, on trouve le documentaire d'avant-garde du réalisateur Danakil produit par Grégory Escure (Basic Productions), film de la « sale gosse attitude » et de la « détresse de ceux qui ont tout ».
qui occupent mon trop-plein de temps
Une base de données est-elle une chose ?
Discussion intéressante ce soir à tesla, autour de kobe matthys d'agency. Je suis arrivé en retard donc je n'ai pas tout suivi, mais cela tournait autour d'une décision de la Cour Supreme américaine. Celle-ci avait statué qu'un annuaire ne pouvait être protégé par le copyright car il ne faisait que rassembler des faits, sans mise en forme particulière, et que cela ne pouvait être considéré comme un acte créatif. Quelle genre de chose est alors une database ? Ce qui fait sa valeur est-il l'indexage ? Ou l'accumulation de données, comme dans un travail d'historien ?
Mon retard m'a aussi empêché de savoir qui était cet intervenant très intéressant. Ce qu'il disait ? Alors que le débat semblait établir que l'annuaire n'avait de valeur propre qu'en tant qu'élément nécessaire à l'utilisation du réseau téléphonique, puisqu'il permettait d'utiliser les numéros, il retourna habilement la situation.
Le débat embraya alors sur la nature cosmologique d'une base de données. En effet, en tant que taxinomie, la base de données se propose d'organiser les choses. Et cet intervenant mystère de citer fort à propos Les mots et les choses de Foucault, dont le titre original devait être "L'ordre des choses". Il citait Foucault qui cite Borges dans la préface du livre, avec cette fameuse taxinomie chinoise pleine de contradictions logiques (si ca vous intéresse, c'est facile c'est la première page). Et la comparait aux différentes catégories que propose Itunes pour le contenu musical : musique, radios, podcasts, jeux ipod... Autant de catégories qui ne forment pas une totalité ni un système et semblent hétéroclite.
Dernière question soulevée : "Peut-on dire qu'un mp3 est une chose ?"
Saturday, December 16, 2006
Encore un post youtube
Wednesday, December 13, 2006
Histoire trouvée sur Grüneberger Strasse
Comme beaucoup de gens, un des mes premiers critères pour déterminer si quelqu'un est cool ou non, c'est sa capacité à faire des blagues sur les nazis.
L'autre jour, j'ai du gagner la confiance de ce type après lui avoir expliqué le dilemme que me crée ma grande admiration pour l'architecture fasciste et ma haine de leurs idées, et mon hébétement devant le SS Karl Koch qui, d'après cette page, s'est fait virer de Buchenwald car il "fit régner au camp une terreur inhumaine - même d'après l'opinion des SS."
Bref, le type et son pote se regardent d'un air complice, opinent du chef et décident de me raconter l'histoire. Une amie à eux est d'origine autrichienne : elle vient d'une famille noble, son ancêtre était comtesse. Elle possède donc encore un château quelque part dans le Tyrol. Dans le hall du château, à côté de l'entrée, depuis le 19° siècle, trônent deux noirs empaillés. Je répete : deux être humains, africains, vidés de leurs organes par des colons puis remplis de paille et laqués pour résister au passage du temps.
Désormais dépositaire de ce terrible secret, je n'ai donc d'autre issue que celle qu'on réserve d'habitude aux secrets : j'ai besoin de le raconter. Bizarrement, google semble ne rien révéler sur les humains empaillés, si quelqu'un a plus d'infos sur cette pratique...
Tuesday, December 12, 2006
agence procrastination berlin
Sunday, December 10, 2006
so chic
Saturday, December 09, 2006
CAPTCHA
Friday, December 08, 2006
STYLE OF THE WEEK END
Thursday, December 07, 2006
ce que je préfere en allemagne
photographie trouvée donaustrasse
more fish
Wednesday, December 06, 2006
Jesus en Post-its
les punchlines de la honte
5
50 cent - P.I.M.P.
Alors celle-là, c'est typiquement la punchline what the fuck qui n'a pas vraiment de jeu de mot foireux ni de référence à cinquante centimes, mais qui incarne bien le don unique de fifty pour créer du vide intersidéral dans le fond comme dans la forme.
"She like my style, she like my smile, she like the way I talk
4
Young Dro featuring TI- Shoulder lean
Le tube sud sale du moment. J'aime assez bien mais quelques punchlines font froncer les sourcils genre "quoi"?
"Now I be on tv, B.E.T. our channel,
Hood nigga from Bankhead, I stay with my grandma nana."
3
Destinys child - Get on the Bus (featuring Timbaland)
Bon, cette rime est restée mythique dans le Hall of Shame du rap, et elle a souvent été citée : mais j'ai remarqué qu'elle était toujours déformée à cause d'une erreur de Henry Adaso dans un article, et que tout le monde a recopiée telle quelle. Voilà exactement le bouquet final du fameux couplet de Timba. Pour remettre le truc dans son contexte, il parle à sa meuf et lui dit qu'il espère qu'il n'y a pas d'autre homme dans sa vie. S'il te plaît mec, ne rappe pas sur le M.I.A.
"So just tell me there is no need to lie for
While you sleeping with your eyes closed, You wanna talk ? Alright yo"
"Plead the fifth when it comes to the fam
1
Kanye West - All Falls down
"She's so precious with the peer pressure
Tuesday, December 05, 2006
et alors le surcode c'est "non fasciste" ?
Chez Weak Tactics on est tous très fan du G-Chat.
Non le G-Chat n'est pas à MSN ce que le C-Walk est à la danse des canards : c'est juste le petit nom que j'ai trouvé à Google Talk, le service de discussion intégré à Gmail. C'est hype, c'est nerd, on ne peut parler qu'aux happy few qui ont un compte gmail (enfin plus trop : cela inclut quand meme ma patronne et ma mère).
Ce que j'adore dans le G-Chat c'est que c'est très expressif. Non seulement, quand votre interlocuteur est en train de taper, on peut lire "New York Pizza is typing", (ce qui est déjà le cas dans MSN). Mais après cela, si l'interlocuteur cesse un instant d'écrire, on peut lire "New York Pizza has entered text." Donc, si la personne hésite sur ce qu'elle va dire, on verra les pauses pendant la saisie de son texte.
Mais ce qui est intéressant, c'est que si l'interlocuteur efface soudain tout ce qu'il a écrit, le "has entered text" disparaît. Si bien que quelqu'un qui hésite vraiment, écrit quelques bribes, attend, retape, efface tout, reformule, etc... eh bien dans le G-Chat c'est très perceptible. On savait depuis longtemps qu'il y a beaucoup de choses qui passent dans un chat, malgré l'apparence de froideur et de contrôle que le médium semble permettre. Avec ces indicateurs de saisie, ce sont des indices corporels qui sont directement communiqués (la présence des doigts sur le clavier), mais surtout, des non-dits (les indicateurs signalent l'écriture des phrases qui ne sont jamais "dites"). Ces hésitations et cogitations sur le discours, qui peuvent dans la conversation réelle s'échapper par mégarde (lapsus, regards vides, pincements des lèvres etc...) trouvent dans les capteurs de Google un nouveau médium. Ce que vous refusez de dire, Google l'exprime pour vous.
Parlez si vous le voulez de surveillance corporelle, de flicage mental. Chez Weak Tactics, certains l'ont déjà compris, notre nouveau motto c'est No Comment. Je me pose juste une question : tout ce non-dit doit être une formidable chance pour ceux qui règlent leurs engueulades conjugales par Internet. Tel Jean-Luc Delarue, je passerais donc cet appel : si vous êtes en conflit avec votre conjoint via Gmail, si vous avez des grands moments de blancs, des non-dits insidieux à base de ne rien dire et d'effacer les messages à peine tapés, ou tout simplement quelque chose à dire, et bien
Saturday, December 02, 2006
mon article "c dans l'air"
Mais il est clair que l'ampleur médiatique d'un évènement n'est que le reflet d'une attente, et d'un usage collectif : les médias majoritairement blancs y ont vu une superbe occasion d'étaler leur antiracisme de façade, et les leaders noirs un espoir de relancer un combat qui bat de l'aile, à une époque où ils ne pèsent pas lourd face aux mastodontes de la culture populaire noire - rappeurs en tête. Dans une interview sublimement chorégraphiée, CNN invite le très radical Paul Mooney, un comique noir controversé, à réagir à chaud sur la tirade raciste de "KKKramer" - comme l'a surnommé depuis la communauté hip-hop. De façon très intéressante, l'interview est menée par un couple d'animateurs femme blanche / homme noir, mais le second est relégué hors-champ pour laisser la place à un dialogue bon enfant entre la blonde politiquement correcte et l'humoriste à scandale. Mooney, quoique fidèle à son personnage médiatique, est pris au piège du dispositif : toutes ses remarques pro-noires acerbes sont ponctuées d'éclats de rires approbatifs par son interlocutrice , qui s'empresse de rajouter qu'elle a "acheté l'album de Sugarhill Gang en 1979 à sa sortie" et "qu'elle est depuis longtemps dans cette chose multiculturelle". À la fin de l'entretien, on a bien ri, on a bien condamné, et la Barbie de conclure en invitant Mooney à venir l'écouter rapper "Rapper's Delight" un des quatre. La caméra dézoome sur le plateau, remettant en vedette le couple multiethnique. L'image est superbe : le pays a festivement sacrifié son bouc émissaire, et son multiculturalisme affiché s'en trouve reboosté comme jamais. La société blanche a performé son idéal d'égalité et de tolérance, et l'on peut continuer à refouler les vrais problèmes rencontrés par les personnes de couleur.
Du côté des leaders noirs issus de la période dite "des droits civiques", ce non-énènement offrait aussi une vraie aubaine. La couverture médiatique et l'indignation nationale provoquées par la violence des images de Richards leur a donné une fenêtre inespérée. Cette vidéo d'un personnage adoré de tous hurlant le fameux "N-Word" impactait tout un pays par son caractère transgressif - on parle sans cesse des insultes racistes subies par les minorités, mais cet enregistrement, propulsé dans tous les foyers par l'aura de son protagoniste, leur donne un côté totalement frontal, hyperincarné - et du coup, exigeait une réponse, exigeait de faire sens comme c'est souvent le cas avec les faits-divers à large couverture médiatique. Le NAACP (Association Nationale pour l'Avancement des Personnes de Couleur), épaulé par des célébrités afro-américaines tel Jesse Jackson, saute sur l'occasion pour lancer une campagne nationale pour bannir le mot "nigger".
Pour bien comprendre l'importance de ce geste, il faut mesurer l'ampleur de la fracture culturelle entre la génération 50 cent et les leaders noirs héritiers de Luther King : la première reproche à la seconde de travailler main dans la main avec ceux qui oppriment leur peuple, de n'avoir rien fait réellement avancer pour eux, d'être des faux-frères à la botte du faux-égalitarisme blanc ; la seconde reproche à la première son nihilisme, son matérialisme, son machisme, son abandon des luttes collectives. Les colloques de leaders noirs sont souvent pris entre la défense des jeunes générations et la condamnation de leur culture, où en s'appellant "nigger"à tout bout de champ, on manque selon eux de respect à son propre peuple. Ce point de vue a été défendu par de nombreux pourfendeurs du gangsta rap comme DeVone Holt, qui voit dans la culture hip-hop une décadence de la culture noire. Il est clair que cette immense campagne sur le mot "nigger" est davantage un débat entre afro-américains - un clash générationnel si l'on veut - qu'un combat contre le racisme des blancs, comme pourrait le suggérer l'exemple Richards. L'utilisation du mot "nigger"est un peu le catalyseur de cette différence culturelle profonde : si on regarde l'histoire des usages de ce mot, on peut voir qu'il a commencé à être utilisé dans la pop culture noire au moment-même ou il devenait totalement tabou pour l'Amérique blanche. À l'origine, ce mot servait aux maîtres pour désigner leurs esclaves ; après l'abolition, il est resté comme insulte raciste pour affirmer l'infériorité de ces nouveaux citoyens du pays. C'est un terme péjoratif, mais il ne déclenche pas les passions comme aujourd'hui - on en trouve même des exemples d'usages "neutres", dans la bouche de Blancs voulant défendre l'égalité. Mais plus on avance dans le 20ème siècle, et plus ce terme est remplacé par d'autres (en particulier "person of color"), ne restant en usage que comme une insulte raciste.
C'est dans les années 1960 que le glissement d'usage est le plus net : alors que la lutte pour les droits des Noirs fait rage, ce terme en tant que tel est définitivement stigmatisé par le politiquement correct ; mais c'est dans la même période que se répand l'usage culturel actuel parmi les afro-américains. Le mot est utilisé dans les conversations quotidiennes, et surtout, il va être l'étendard lexical d'une culture nouvelle des années 1960-1970, qui ouvre la porte à la vague hip-hop. En gros, à partir de cette époque, le terme "nigger", ou "nigga" est une insulte très grave s'il est utilisé par une personne non-noire, mais il peut être un terme amical lorsqu'un Afro-Américain s'en sert pour interpeller un autre membre de sa communauté. En 1970, Clarence Major note dans son "Dictionnaire de l' argot afro-américain" : "utilisé par des Noirs entre eux, "nigger" est un terme racial avec une touche de chaleur et de bienveillance, qui reflette une sensibilité tragicomique bien consciente de l'histoire Noire". Au moment où cette culture de revendication et de fierté atteint son apogée, ce synonyme connoté de "mon pote" ou "mec" marque une volonté de faire entendre un sentiment d'appartenance dans le langage courant, mais aussi de rappeller par l'origine du mot les souffrances endurées par les esclaves et leurs descendants. La pop culture prépare le terrain au personnage du rappeur dès les années 1960, où Richard Pryor emploie sans cesse le mot "nigger"dans ses sketches comiques ; dans les années 1970, la phrase mythique du héros de Sweet Sweetback's Badass Song met ce mot en vedette : "a badass nigger’s comin’ back to collect some dues." Ce personnage de Blaxploitation, tout comme Pryor, sont déjà critiqués par l'intelligentsia noire, qui voit dans cette pop-culture décadente qui prétend venger la communauté et lui donner une visibilité un ramassis de clichés racistes, à base de putes et de macs, de flingues et de drogue. Le hip-hop jouera souvent sur ce tableau, pas forcément dès ses débuts mais surtout après le phénomène NWA (Niggaz With Attitude) à partir de 1988, qui déclenche de bruyantes polémiques. Les critiques sur cet usage sont toujours liées à une certaine forme de pop culture noire violente et plus ou moins nihiliste, dont les nostalgiques de la génération NAACP voudraient dénoncer les effets néfastes.
Depuis, le mot a été utilisé sans cesse par des artistes aussi variés que Snoop Dogg, Tupac, Biggie, Jay-Z, ou encore le comique Dave Chappelle. Or ce n'est pas un hasard si les leaders des droits civiques ont adopté pour mascotte de leur combat Paul Mooney, qui écrivait et jouait dans des sketches du show de ce dernier - adulé par la génération hip-hop. Mooney, en promettant à la télé qu'il allait "divorcer du mot nigga" à l'instar de Pryor à la fin de sa carrière, adresse un message ambigu aux jeunes générations qui l'apprécient. Il leur demande de renier un mot qui a servi d'emblème à toute une culture de l'affirmation de soi, de la revanche, de la fierté - et que lui-même employait à longueur de sketches. En apparaissant ainsi aux côtés des vieux symboles de la lutte politique, mais aussi de Richards lui-même embourbé dans les excuses bancales, le comique brouille les clivages et invite la génération hip-hop à, au moins, considérer la question. Utiliser ce mot même amicalement servirait, en dernier lieu, les mêmes propos qu'à son origine, à savoir une dévalorisation des personnes noires. De nombreuses personnalités du milieu rap ont réagi : Chamillionaire et Paul Wall soutiennent la campagne, tandis que Noreaga dénonce son hypocrisie : "C'est clair, je ne compte pas changer mon vocabulaire ou ma façon de parler à cause de cet incident. Ces leaders, on n'en entend jamais parler jusqu'à ce que quelque chose de controversé arrive." Il en faudrait plus pour amener toute une génération à renoncer à sa culture. Car cet usage du mot "nigga" est seulement l'une des manifestations d'une culture générationnelle élevée aux clips d'MTV. Aujourd'hui, l'usage du mot "nigger" a perdu sa dimension subversive-afrocentriste et fait partie intégrante d'une industrie culturelle à part entière, à tel point que Jennifer Lopez peut l'utiliser dans sa chanson "I'm Real" sans rien y voir d'étrange. Quel est le problème, puisque c'est du hip-hop ?
À ce propos, l'une des réactions les plus intéressantes est celle de Davey D quand il déclare à un journaliste du site AllHipHop.com : "Il ne faut pas oublier que la popularité du "N-word" a été permise par les médias et les maisons de disques possédées par de grands groupes, qui ont donné aux gars des plateformes où utiliser ce mot autant qu'ils le voulaient. (...) Malheureusement, ces mêmes médias ferment leurs portes quand les mêmes mecs noirs qui aiment utiliser le "N-word" viennent à la table pour parler de politique ou critiquer Bush, l'oppression blanche, Katrina ou la guerre en Irak. Subitement, ils n'ont plus de plateforme pour nous entendre parler. Quand une personne ou une institution vous fait croire que d'une certaine façon on vous donne du pouvoir alors qu'elle vous opprime en même temps, on appelle ça un maquereau." Davey rejoint les analyses d'Ellis Cashmore sur les ambiguïtés de "L'Industrie Culturelle Noire" qui s'est développée sur fond d'extinction des luttes politiques pour l'égalité : cette industrie a privilégié certains aspects de la culture noire, des aspects que le public mainstream voulait voir mis en avant. Par le système d'offre et de demande, cette industrie des images a joué avec un matériau inflammable, celui de l'identité afro-américaine, qui tout en atteignant une visibilité immense s'est enfermée dans un circuit clos ; en 2006, la culture des jeunes qui disent "nigger" n'est pas majoritairement le produit d'une contre-culture afrocentriste, mais d'un marché du divertissement qui s'est construit sur les envies d'un public immense et multiethnique. Appeller à bannir le mot "nigger" parce qu'il renvoie une image péjorative des afro-américains, c'est donc confondre la cause et les effets. Ce terme de complicité, lorsqu'il est utilisé dans certaines situations privées, est devenu à travers les médias de masse l'un des signes d'une forme ambiguë d'identité afro-américaine : ambiguë car elle paraît créée par la communauté, mais résulte en réalité d'un jeu complexe de fantasmatique et d'images de soi qui implique la société toute entière, producteurs et consommateurs. Dans ce sens, les leaders fatigués des droits civiques n'ont pas tout à fait tort de prétendre que le terme vociféré par "Kramer" partage plus en commun qu'on ne le croit avec celui des b-boys. Leur erreur est de croire qu'une lutte lexicale tragicomique comme la leur peut réellement avoir un quelconque effet. Par contre, s'ils veulent se lancer à l'assaut de l'industrie du "divertissement noir", je leur souhaite bon courage : mais il faut espérer pour eux que des icônes blanches de la culture populaire commettent des dérapages xénophobes quasi-quotidiennement, car dès que les médias se seront désintéressés de l'affaire Richards, les leaders de la cause afro-américaine retourneront dans leurs salles de colloques pour un bon bout de temps.
Friday, December 01, 2006
Ludacris - Release Therapy
On l'a beaucoup dit, sur les blogs ou ailleurs, mais sur son dernier album qui s'appelle Release Therapy, Ludacris se créée une nouvelle persona de rappeur mature à textes. Cela veut dire qu'il arrête de jouer le débile sur des beats pompiers, et qu'il va montrer au monde qu'il est un lyriciste, un poète des temps modernes, sur des beats d'un bon goût exquis. Il faut dire que les amateurs du genre avaient toujours su que Luda était un amateur de belles formes, par rapport à la plupart de ses compatriotes méridionaux. Et quand je parle de belles formes, je parle de la finesse de composition de certains de ses textes, et je suis tout à fait sérieux. En atteste notamment Southern Hospitality. Quelques symboles répétés à outrance scandent le texte, laissant le reste du contenu s'effacer dans une très belle représentation du Rappeur comme scansion unificatrice de son corps et de sa société dans le rythme saccadé du rap.
Ce qui est marrant, c'est qu'il semble que Ludacris n'a pas bien compris pourquoi on disait de lui que c'était un lyriciste. Il pense que c'est parce qu'on fait attention au contenu de ses textes, comme s'il était une sorte de Chuck D. Or, ce qu'on a pu aimer chez lui c'était qu'il faisait passer beaucoup de sens et de feeling dans les petites ruptures de rythme, les intonations, les sons de sa voix, plutôt que dans le texte proprement dit. Donc, dans ce Release Therapy, Luda livre sa propre interprétation de ses qualités de lyriciste, et ce n'est pas très convaincant. Très démonstratif, il exagère ses fameuses intonations, livre des textes sincères et pseudo-profonds sur les enfants qui fuguent ou sa rencontre avec Dieu. Et tout l'album crie cette demande de reconnaissance, oubliant la désinvolture avec laquelle il maîtrisait naguère ses lyrics.
Par contre, la sélection de beats est impeccable. Et, à mon humble avis, c'est le meilleur album à ce jour de Luda, pour la simple raison qu'on peut l'écouter de bout en bout. Ah et dans Woozy, R. Kelly est dans une forme olympique, parlant d'une meuf avec un manque de conviction flagrant qui contraste avec l'excès de zèle de Luda.
Voilà, maintenant j'aimerais parler de Runaway Love, une chanson avec Mary J. Blige sur les filles de 10 ans qui prennent de la drogue, tombent enceintes et surtout font des fugues. J'aime bien la musique, le texte est franchement cliché et bidon. Et cette chanson me fait curieusement penser à une autre chanson sur les filles qui fuguent. Celle-là date des années 60, est chantée par les Shangri-Las qui y font une sorte de spoken word, avec un refrain qui n'est pas si différent de celui de Mary J. Blige finalement. Je vous laisse écouter et comparer les deux morceaux, et m'abstiendrais de toute analyse sur cette association d'idées, car j'ai déjà sorti assez de punchlines pour aujourd'hui, dans d'autres lieux et à d'autres personnes.
voila celle des shangri-las
et celle de luda
sauver weaktactics
Quand elle chante, Rihanna revoit les forêts de sa Barbade natale. Ces souvenirs lui donnent la force de continuer.
Parfois, Rihanna met des jeans et se met à plat ventre, cela l'aide à prendre du recul sur elle-même. Rihanna est une jeune femme plutôt mignonne, et elle le sait.
D'ailleurs, elle se met des fleurs dans les cheveux, toujours assorties à son maillot de bain. On est une star ou on ne l'est pas.
Mais son ami, son confident, ne dévale pas les tapis rouges d'Hollywood flanqué de son agent. C'est Youki, son sac-à-puces d'amour, un adorable batard qui a la spécificité de faire de la lumière avec ses yeux.